La vulnérabilité est une douce puissance

#article

(Témoignage d'un homme sensible)

Depuis que je suis tout petit, on m’a appris à encaisser les coups sans broncher, d’autant plus que je suis un « mec »… Les émotions, les pleurs, cela se refoule et ne s’exprime pas. D’autant plus maintenant que je suis adulte et que je suis responsable. On me l’a tellement répété que c’est devenu une de mes croyances. Il faut être fort ! Je dois montrer que je suis fort ou parfait. Et on m’a même persuadé que cela est indispensable pour être solide et rassurant !

Et tout cela s’est amplifié dans le monde professionnel. Là il faut être encore plus sérieux, ne faire preuve d’aucune faiblesse, surtout si l’on est un manager ou encore plus, si l’on est un dirigeant. Plus on a de responsabilités plus il faudrait être un roc !

Mais comment je fais moi, qui suis un être sensible et qui ressent plein de choses qui me touchent. Dois-je les refouler ?

Prenons du recul… Que pensez-vous des personnes qui disent toujours qu’elles vont bien ? ou que tout va s’arranger ? Ou encore que tout est sous contrôle ?
Vous sentez-vous compris d’elles ? Les croyez-vous ? Vous mettent-elles en confiance ?

Et si l’on faisait sauter cette croyance limitante — « Il faut être fort ou parfait » — et qu’on la remplaçait par une autre : « La vulnérabilité est une douce puissance » ?

Prenons un exemple, issu d’un vécu personnel : lorsqu’un de vos enfants a très peur avant un examen, qu’est ce qui va lui donner plus d’énergie et de confiance ? Que vous lui disiez : « T’inquiète pas, cela va bien se passer » ou que vous lui disiez : « Moi, j’avais toujours très peur avant les examens. Et mon truc était d’aller visiter cette peur et de lui parler, de reconnaître ce qu’elle m’apportait » ?

Savoir reconnaître que l’on est confronté à une difficulté, une souffrance ou un doute est un gage d’humanité. Cela permet de se mettre d’égal à égal — car l’autre a aussi des difficultés, souffrances et doutes — et d’avoir une bien meilleure capacité d’entraînement. Et cela s’applique aussi au leadership professionnel.

Cela signifie exprimer les choses à partir de soi : de ses pensées, de ses émotions, de ses sensations. Faire de sa sensibilité et de ses failles des amies. Et de les regarder, leur rendre visite et de choisir d’en faire part aux autres.

Mais comme vous vous interrogez sur la façon d’exprimer avec justesse cette vulnérabilité, regardons ses limites :

Il ne s’agit pas de tomber dans les excès et de passer son temps à geindre, à être larmoyant, à n’exprimer que le côté négatif des choses, à devenir une victime… Sans quoi cela serait une réelle faiblesse. La vulnérabilité dont je vous parle est une vulnérabilité responsable, assumée. Ce qui lui donne sa puissance c’est son expression avec parcimonie et le fait que le reste du temps c’est sa polarité complémentaire de confiance / détermination qui s’exprime. Avoir une part de vulnérabilité, cela n’enlève rien au fait d’être considéré comme référent, responsable, dirigeant, expert, parent… et d’assumer pleinement ce rôle.

L’autre travers serait d’utiliser la vulnérabilité comme technique de manipulation pour obtenir ce que l’on souhaite sans vraiment dire les choses. Prenons l’exemple d’un manager qui dirait à ses équipes : « Vous savez que la direction me met dans une situation très délicate, mais je dois vous annoncer ceci… ». S’il n’a pas fait part de ses doutes et réserves à la direction pour fair changer les choses, ce n’est qu’un manque de courage ou de sincérité (voir le film récent : « Un autre monde »)

Ces réflexions me donnent envie de définir ce qu’est pour moi la « juste » vulnérabilité : c’est à la fois une sensibilité qui permet de prendre conscience, spontanément, de ce qui n’est pas aligné avec soi-même et un courage de choisir de l’exprimer avec simplicité et authenticité, sans calcul, dès lors que cela contribue au bien, au beau, au bon et donne des clés pour l’action !

Sensiblement

Olivier Broni

« Tu seras aimé le jour où tu pourras montrer ta faiblesse, sans que l’autre s’en serve pour affirmer sa force »
Cesare Pavese